Représenter la préhistoire à l’heure de l’anthropocène ou comment juger le caractère dominateur d’Homo Sapiens

Abstract

Les menaces que l’être humain fait peser sur la planète sont telles que P. J. Crutzen et E. Störmer ont proposé, dès la fin du XXe siècle, le terme d’anthropocène pour nommer l’ère caractéristique de ces débordements. La littérature de fiction a particulièrement décliné cette situation sous la forme d’anticipations apocalyptiques ou post-apocalyptiques, et dans le genre actuel de l’écofiction. Il est cependant une autre manière d’interroger la puissance destructrice et autodestructrice de l’être humain, qui consiste à réinterroger ses origines et son évolution. Les premiers romans préhistoriques (prehistoric fiction en langue anglaise, prähistorische Romane und Erzählungen en langue allemande, novela y ficción prehistórica en langue espagnole…) coïncident avec le XIXe qui, en tant que siècle de l’expansion industrielle et des développements scientifiques et techniques, est parfois considéré comme le début de l’anthropocène. Il a également vu fleurir la théorie de l’évolution par sélection naturelle (Darwin), bientôt suivie de pensées du déclin de la civilisation occidentale (Spengler, début XXe…). Celle-ci, opposée parfois grossièrement aux «pays du sud» (Amérique latine, Amérique du Sud et Afrique essentiellement), se voit aujourd’hui accusée de polluer le monde, après avoir colonisé une grande partie de celui-ci, sur un mode viril décrié par les études de genre, et sans aucun respect du vivant, ce que dénonce l’écocritique. Je propose donc de voir comment quelques romanciers, essayistes et artistes plasticiens pensent les origines de l’humanité pour dénoncer le mépris de cultures non productivistes par des cultures dangereusement dominantes, et pour inviter à d’autres modèles de développement. Après les mythes religieux, les fictions du bon sauvage, la littérature de l’anthropocène s’inspire-t-elle des sciences de la préhistoire pour éclairer des conflits entre cultures, entre sexes, entre «races» et repenser la vie dans un monde global?